La nature pour école, traversées Elemen’Terre : interview avec Marie Tabarly

Marie Tabarly B&W

Avant l’aventure Elemen'Terre, Marie Tabarly a passé plusieurs années aux côtés de comportementalistes équins et de grands maîtres écuyers, animée par le souhait de comprendre le mode de communication du couple cavalier-cheval. Quelque temps plus tard, elle se pencha sur la communication entre humains, si complexe. C’est ainsi que le 3 juillet 2018, elle fit de son rêve le voyage d’une vie. À bord du célèbre voilier Pen-Duick VI imaginé par son père, elle partit de Lorient avec son équipage, pour un début de tour du monde. Ce bateau mythique devint le théâtre d’un think tank flottant qu’elle rebaptisa «The Elemen’Terre Project ». Marie mit toute son ardeur à proposer à des personnes inspirantes de réfléchir ensemble aux grands enjeux de demain afin d’élaborer un mieux être commun. Avec toujours un même leitmotiv : utiliser les arts et le sport comme allégories aux formidables défis du siècle.

Voir et vivre, lentement, tel est votre credo. Racontez-nous pourquoi.

Nous avons fait de Pen-Duick VI un lieu de réflexion et de sensibilisation afin de participer à l’élaboration d’un nouveau monde. Noyés par un flot constant d’informations, nous prenons le large afin de prendre du recul, de recréer du lien, ce lien avec la nature dont nous faisons partie intégrante. Nous avons trop tendance à l’oublier.

Comment les expéditions Elemen’Terre se préparent-elles (choix des lieux, escales, invités) ?

14 personnes peuvent monter à bord de ce bateau de 22 mètres. Plusieurs paramètres entrent en jeu pour la préparation : la thématique qui convient à l’escale, la météo, la saison et la disponibilité des invités et de l’équipage. Nous avons choisi le Groenland comme première étape pour les enjeux que cette destination représentait. À chaque escale, des invités de divers univers (artistique, sportif, scientifique, politique...) embarquent. Nous visitons alors le monde au travers de leurs regards jumelés et témoignons de nos réflexions par le biais de documentaires, réseaux sociaux ou encore campagnes médias. Elemen'Terre est aussi une série documentaire autour du monde, tel un plaidoyer en faveur de la nature et de l’humanité. L'art et le sport sont deux fabuleux moyens de rencontres !

Quels défis majeurs avez-vous relevés ?

La construction de l’expédition représente en elle-même un réel défi. Je suis une personne assez solitaire, même à terre. Toute personne qui monte un projet, quelle que soit sa taille, doit faire face à ses propres défis. Réussir à rendre concret son projet est déjà une victoire !

Quels liens entretenez-vous avec la politique ?

Nous avons reçu plusieurs personnalités, dont des présidents et sénateurs de régions, des maires, ainsi que Nicolas Hulot, ancien Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Néanmoins, nous essayons vraiment de ne pas nous engager afin de ne pas subir de récupération politique et de maintenir un dialogue avec tous les partis.

Souhaitez-vous renforcer vos actions en milieu scolaire ?

Absolument. Aujourd’hui, à chaque étape, nous accueillons des écoles à bord du bateau et prochainement, nous serons ravis d’accueillir des collégiens, lycéens et universitaires.

Qui rêveriez-vous de faire monter à bord de Pen-Duick VI ?

Il y a tellement de personnes ! Mais je n’aime pas faire du name dropping. Le choix des invités ne se fait pas uniquement selon mon envie, mais aussi sur leur pertinence envers la thématique abordée. Ils peuvent être connus ou non, ce qui m’importe est leur désir de partager leur savoir.

Qu’est-ce qui vous est difficile quand vous touchez à nouveau terre ?

Il m’est toujours difficile de quitter le bateau. La transition vers la vie terrestre est compliquée. Le bruit du téléphone est pénible ainsi que tout le superflu dont nous sommes constamment imprégnés, abreuvés. Cela paraît si dérisoire. J’aime vivre sans trop de confort à terre. Sur le bateau, nous vivons avec peu et dans l’économie de tout. A commencer par l’économie de l’eau.

Quelles sont vos sources motrices ?

La mer et la navigation me procurent un indicible bonheur. Le stress aussi est une sensation intéressante qui m’anime. Il s’agit évidemment d’un stress porteur devant les défis à relever et l’échec, même s’il n’est pas agréable sur le moment, ne me fait pas peur. En revanche, je déteste décevoir, à commencer par moi-même. Je fais donc tout à 250% !

Quelle est votre façon d'être au monde, au regard des changements environnementaux ?

Qu’importent toutes les technologies inventées, c’est à l’être humain de changer. Mais changer seul est excessivement difficile. Le changement doit passer par l’industrie et il faut l’y aider. Nos regards, à son égard, doivent évoluer. Elle est composée d’humains et elle bouge (changement de gammes, de packaging, etc.). Pour ma part, je fais le choix de rester positive et de ne pas sombrer dans le fatalisme. C’est une discipline quotidienne car je souhaite vivre en paix, en osmose avec la nature. C’est l’un des grands axes d’Elemen'Terre.

Quels sont les impacts visuels ou expériences qui vous ont particulièrement marquée ?

Allez donc vous promener en forêt ou sur les bords de plage et constatez le nombre de mégots par terre. Nul besoin de courir la planète. L’impact du réchauffement climatique se mesure depuis la fenêtre de nos salons. Partout autour du globe, les phénomènes météorologiques changent. Avec Pen-Duick VI, nous avons subi l’ouragan Lorenzo aux Açores à l’automne 2019. Un an plus tard à la même période, il y avait 100 knt à Belle-Île. Ces phénomènes climatiques extrêmes, à cette période de l’année, sont nouveaux.

Quels paysages vous ont particulièrement touchée ?

Ils sont nombreux ! Dans les terres, le Montana, de loin… Également l’Islande, le Groenland, La Patagonie… Mais vous savez, je suis amoureuse d’Ouessant, avant tout. Nul besoin d’aller au bout du monde pour se rendre compte des trésors qui se trouvent sous nos yeux et s’en émerveiller !

Alexandra Corsi Chopin