L’Océan, mer nourricière

” Si l’Océan est une bibliothèque mondiale dont les livres contiennent 

une profusion de solutions pour la survie des humains, 

la grande majorité de ses ouvrages restent ignorée, faute de n’avoir jamais été lue ”.

 

Maud Fontenoy

L’Océan se réchauffe
Avec sa grande inertie thermique - comparée à celle de l’atmosphère et des continents -, l’Océan a absorbé plus de 90% de la chaleur emmagasinée par la Terre depuis 1970. Selon le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de 2019, l'océan Mondial se réchauffe sans relâche depuis 1970. Le constat de l’ONU, quant à lui, est sans appel. La période 2015-2018 a pulvérisé tous les records de chaleur et le réchauffement des couches supérieures de l’Océan a doublé en quinze ans par rapport à l’ensemble des soixante dernières années. C’est une accélération exponentielle qui rend plus difficile la dissolution du CO2 dans les mers. Car si une partie du CO2 est absorbée par les plantes et les arbres, environ un tiers est absorbé par l’Océan. « L’Océan est à la fois une pompe à carbone, car il absorbe 25 à 30 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2) que nous produisons et un climatiseur planétaire parce qu'il absorbe aussi la chaleur produite par les gaz à effet de serre », explique Pierre Canet, responsable du programme climat au WWF. « Le taux de réchauffement a augmenté à mesure que le réchauffement de la planète s’est accéléré, jusqu’à atteindre l’équivalent de trois à six bombes Hiroshima par seconde au cours des dernières décennies », explique le scientifique Dana Nuccitelli pour le Guardian.

L’Océan s’acidifie

Le pH moyen de l’Océan se situe normalement autour de 8.25 : ce niveau permet un développement optimal de la vie marine telle que nous la connaissons aujourd’hui. Mais l’Océan s’est acidifié de 26% depuis le début de la révolution industrielle, se situant aujourd’hui autour de 8,14, réduisant le pH de l’eau. Le CO2, absorbé par l’Océan, en est le principal responsable, tandis que l’absorption de composés azotés et soufrés contribue à l’acidification mais demeure moins significative.

L’Océan monte

L'augmentation de la teneur en chaleur des océans contribue de 30 à 40 % à l'élévation moyenne mondiale du niveau de la mer, causée par la dilatation thermique de l'eau de mer (le volume augmente). Lors de la dernière déglaciation qui a débuté il y a 21 000 ans, le niveau de l’eau est monté de 120 à 130 mètres, avant de s’équilibrer il y a 6 000 ans. De tels changements ne s'expliquent que par des variations naturelles. En revanche, depuis le début du XXe siècle, le niveau des mers s'est élevé de 20 cm environ, selon l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), principalement dû à l’expansion thermique de l’Océan et à la fonte des glaciers et des calottes polaires. Sans réduction de nos émissions de GES, le GIEC (rapport de 2019) estime que le niveau de la mer pourrait s’élever de 1,1m d’ici 2100 (hausse maximale estimée avec de fortes émissions, par rapport à la période 1986 - 2005). "Nos émissions de gaz à effet de serre ont une empreinte qui va des hautes montagnes jusqu’au fond des océans", explique Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et vice-présidente du GIEC. Les prévisions les plus alarmistes prévoient une hausse du niveau de la mer à 2,4 m d’ici à la fin du siècle. Cette hausse du niveau des mers redéfinit progressivement les littoraux. Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), plus de 60 % de la population mondiale vit en zone côtière. 3,5 milliards de personnes sont donc installées à moins de 150 kilomètres du rivage. Selon le GIEC, plus d’un milliard de personnes vivront, d’ici le milieu du siècle, dans des zones côtières peu élevées particulièrement vulnérables aux inondations ou à d’autres événements météorologiques extrêmes.

Drone view of a boat sailing across the blue clear waters of lake Tahoe California

L’Océan est pollué

On oublie trop souvent que l’Océan n’est pas essentiellement composé d’eau. D’incommensurables quantités d’écosystèmes y vivent, dont le microplancton, indispensable à la vie. La pollution marine, résultant essentiellement de ressources terrestres par l’utilisation des énergies fossiles, atteint des niveaux alarmants. En 2019, le transport maritime était responsable de 90% des échanges de marchandises dans le monde (soit 940 millions de tonnes de CO2, équivalent à 2,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre). Ce secteur pourrait concentrer 17% des émissions mondiales de GES d'ici à 2050.
Quant au plastique, il représente l’un des autres fléaux majeurs du siècle. 300 millions de tonnes sont produites chaque année. 20 tonnes se déversent par minute dans les eaux du globe. Patrick Fabre, coordinateur chez The SeaCleaners, estime : “ 2 morceaux de plastique pour 5 poissons, tel est l’affolant ratio, aujourd’hui, dans les mers du globe. En 2050, ça sera 1 morceau de plastique pour 1 poisson”. Une partie du plastique (macroplastique) coule, s’alourdit et se sédimente petit à petit en formant une couche au fond de l’eau. Récupérer ces plastiques revient à extraire la vie qui s’y est accumulée avec des écosystèmes de récifs et relève de la chimère. Une autre partie, majoritaire, se transforme en microparticules et devient microplastique, à peine visible. Si ramasser les déchets visibles et recycler le plastique est nécessaire, cela n’est qu’un infime pansement sur nos erreurs et certainement pas une solution. Il faut fermer le robinet.

L’Océan est assourdissant

La pollution sonore est quant à elle un désastre dont nous n’avons pas conscience car nos capacités humaines ne nous permettent pas de l’entendre. Elle parcourt de très longues distances et affecte les animaux et organismes marins qui dépendent du son pour s’orienter, communiquer et se nourrir. L’équilibre de l’Océan dépend des sons. “Les océans vont mourir à cause du bruit. Toute la chaîne alimentaire est affectée dans toutes les mers du monde », explique Michel André, ingénieur en biotechnologies, bioacousticien, fondateur et directeur du Laboratoire d’Applications Bioacoustiques de l’Université Polytechnique de Catalogne. Le son est leur seule façon de communiquer et d’échanger des informations, puisque la lumière ne pénètre pas. Le son est la vie. Polluer ces canaux de communication revient à condamner la vie marine à des déséquilibres irrémissibles.

L’Océan perd de sa biomasse

Le réchauffement climatique a évidemment une incidence sur l'oxygénation des océans : la solubilité de l'oxygène diminue avec l'augmentation de la température de l'eau : plus l'eau est chaude, moins il y a d'oxygène. Les conséquences sont l'asphyxie de la biodiversité marine et la limitation de son habitat. Le phytoplancton, micro-organisme végétal marin, à la base de la chaîne alimentaire, disparaît peu à peu (-10% depuis de début de l’ère industrielle). Dans le cycle du carbone, il est responsable de la production de la moitié de l’oxygène terrestre et capte 100 millions de tonnes de dioxyde de carbone par jour. Si les émissions de gaz à effet de serre gardaient leur trajectoire actuelle, la biomasse globale des animaux marins (poissons, invertébrés, mammifères) chuterait de 17% d’ici 2100 (par rapport à la moyenne des années 1990-99). Ce résultat tient uniquement compte des effets du climat, sans considérer d’autres facteurs (notamment la surpêche), qui ont un impact majeur sur la biodiversité.

L’Océan est le plus grand espace de vie de la planète. Aujourd’hui, 280 000 espèces sont recensées. Mais il demeure largement inexploré : il pourrait abriter entre 500 000 et plus de 10 millions d’espèces différentes – hors monde microbien, dont le nombre d’espèces serait proche de la dizaine de milliards. Alain Renaudin, fondateur de Biomim’expo, Président de NewCorp Conseil, aspire à une réelle prise de conscience "Notre interdépendance nous montre que c’est évidemment la planète qui va sauver l’espèce humaine, si cette dernière se remet en osmose et en harmonie avec l’ensemble de l’écosystème vivant qui l’entoure".

L’humanité doit évoluer, sans compromis. 
Towards another future, powered by nature.

Alexandra Corsi Chopin